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Christophe Alamargot, architecte : « La diminution des surfaces des concessions n’est pas à l’ordre du jour chez tous les constructeurs »
Architecte spécialisé dans les concessions automobiles, Christophe Alamargot, du cabinet Archipel 41 (*), nous parle des nouvelles contraintes en matière de construction et nous donne sa vision de la concession du futur.
Autoactu.com : En 2011, Etienne Henry, expert architecture et aménagements commerciaux chez Renault, mettait en garde les concessionnaires sur les difficultés d’application de la réglementation thermique RT 2012. Où en est-on aujourd’hui ?
Christophe Alamargot : La norme RT 2012 impose de respecter un certain niveau de consommation et d’isolation. Les systèmes de chauffage et de climatisation ont évolué, sont devenus plus économiques et ont augmenté leur rendement. En général, les VMC simple flux sont remplacées par des installations double flux. Les exigences en matière d’isolation sont en revanche beaucoup plus importantes qu’auparavant et nécessitent d’utiliser des matériaux plus coûteux. La crise du bâtiment et la compétition entre fournisseurs tirent heureusement les prix à la baisse. Au final, on peut estimer le surcoût de la RT 2012 à moins de 10% par rapport à la RT 2005.
En revanche, d’autres obligations apparaissent, non liées à la réglementation thermique, comme la construction désormais quasi-systématique d’un bassin de rétention d’eau et les contraintes en matière de portance du sol qui pèsent sur les budgets de construction.
AA : Etienne Henry estimait nécessaire de réduire les surfaces de 20% pour baisser la consommation et les coûts. Qu’en pensez-vous ?
CA : Renault et les autres constructeurs français peuvent en effet être confrontés à des problématiques de taille pour des bâtiments anciens situés en ville. La diminution des surfaces est moins à l’ordre du jour chez d’autres constructeurs, qui ont gagné des parts de marché, comme Nissan qui impose une taille de showroom proportionnelle au volume de vente attendu.
En revanche, les surfaces consacrées au stockage des PR se réduisent avec la création de plateforme régionale et une logistique optimisée.
Une concession située en ville, comme Audi Bauer à Paris 17ème qui ouvrira ses portes fin octobre, doit optimiser ses surfaces et en consacrer l’essentiel au commerce. C’est pourquoi son stock de véhicules, leur préparation et l’activité carrosserie sont délocalisés en périphérie (à Saint-Witz).
Pour tous, la recherche d’économie se fait par une délocalisation en périphérie des villes sur des terrains dimensionnés au m2 près et, quand cela est possible, par un partage des coûts entre plusieurs marques en créant notamment des ateliers communs ou en mutualisant des services.
AA : A combien revient la construction d’une concession aujourd’hui ?
CA : Les prix varient selon les régions, bien plus chers à Paris, en Savoie ou dans le Sud, et passent du simple au double d’une marque généraliste à une marque premium. Il faut compter en moyenne 750 euros HT/m2 pour le showroom d’un généraliste et 650 euros HT/m2 pour l’atelier, sans compter les surfaces extérieures qui représentent souvent un grand pourcentage du budget complet.
AA : En 2010, Ronan Chabot créait à La Rochelle la première « éco-concession ». Aujourd’hui, elle reste en France un exemple unique, à ma connaissance, de concession répondant aux normes HQE. Pourquoi selon vous ?
CA : La première raison est que les concessionnaires cherchent avant tout à construire bon marché plutôt qu’écologique, sauf à faire des économies. Or, les aides de l’Ademe qui étaient en place en 2010 ont été réduites voire supprimées. Ainsi, aujourd’hui, le coût d’installation de panneaux photovoltaïques est prohibitif, avec un amortissement qui dépasse la durée de vie des panneaux. Les toits végétalisés, très efficaces pour économiser de l’énergie, sont aussi très coûteux. Même s’ils ont d’excellentes capacités thermiques, ils compliquent considérablement la recherche en cas de fuites. Quant aux bassins de récupération d’eau de pluie pour laver les voitures, ils ne sont plus vraiment rentables depuis que l’eau doit être comptabilisée et taxée pour financer son traitement.
Néanmoins, de plus en plus de concessionnaires sont sensibles à la problématique des rejets de CO2 et de l’écologie. Des surcoûts sont ainsi souvent acceptés par déontologie professionnelle et pour l’image.
L’exemple de Audi Bauer à Paris 17e montre toutefois que les investisseurs peuvent se soucier de l’environnement : l’ancien système de lavage des véhicules, bruyant et manuel, a été remplacé par un système silencieux à allumage automatique, à la fois plus économique, plus écologique et plus confortable pour les salariés comme les voisins. Autre exemple, sa carrosserie de Saint-Witz récupérera la chaleur des cabines de séchage pour chauffer les locaux.
AA : Comment voyez-vous la concession du futur ?
CA : Il y a un mouvement de fonds intéressant qui consiste à intégrer de plus en plus d’écrans et de médias dans les showrooms. Les constructeurs cherchent à prolonger l’expérience que les clients ont commencée chez eux sur leur ordinateur ou tablette et à maintenir ce lien quand le client quitte la concession.
Les écrans permettent aussi de configurer les véhicules, de les présenter en 3D et ainsi de limiter le nombre de véhicules à exposer.
Côté équipement, le showroom est de plus en plus souvent doté de prises de courant au sol, sous les véhicules, pour alimenter tous les équipements électroniques embarqués qu’il faut présenter au client.
L’éclairage à LED, même s’il reste encore 15 à 20% plus cher que l’éclairage classique, est aussi de plus en plus souvent adopté dans les showrooms pour sa faible consommation, son faible dégagement de chaleur et sa durée de vie.
La technologie permet aussi d’afficher automatiquement le nom des clients sur un écran à l’atelier. La reconnaissance faciale du client à l’entrée du showroom est aussi aujourd’hui techniquement possible.
AA : L’approche client est aussi en train d’évoluer. Le ressentez-vous dans les demandes que vous font les constructeurs ?
CA : Oui. La façon de vendre les voitures évoluent avec, chez certains constructeurs, la suppression des bureaux vendeurs pour adopter une approche moins conventionnelle, façon Apple Store. C’est le cas chez Nissan, dans le cadre du déploiement de son « Retail concept » : les vendeurs n’auront plus de bureau fixe mais se déplaceront librement dans l’espace avec le client.
Cette organisation, associée à de nouveaux équipements et décors intérieurs, sera déployée sur la période 2016-2018. Notre cabinet réalise actuellement les audits des concessions.
Propos recueillis par Xavier Champagne
(*) Archipel 41, cabinet d’architecture comptant 18 collaborateurs, est spécialisé dans les concessions automobiles. Il gère actuellement 80 dossiers allant de l’avant-projet sommaire (APS) à la maîtrise d’oeuvre complète. Référencé par la quasi-totalité des constructeurs, il a l’exclusivité des APS pour la mise aux normes des concessions Mazda et Nissan, en phase de déploiement. Créé en 2001, ce cabinet a réalisé un chiffre d’affaires de plus de 2 millions d’euros l’année dernière, en progression de 15% chaque année.